Habitat lorrain

Village-rue lorrain, Saint-Louis, Moselle
La rue du Faubourg aux Bulles, avec tas de fumier sur usoir, (Chiny, Lorraine belge).
Habitat dispersé et maison-chalet au col du Brabant, Vosges.
Façade de maison lorraine dont on remarque les travées habitation à droite et grange au centre, Gerbépal, Vosges.

L’habitat lorrain dont l’aire s’étend au-delà de la région lorraine se définit dans les grandes lignes par la prédominance du village-rue composé de maisons blocs plus ou moins jointives. L’organisation interne de la maison unifaîtière se fait par des travées souvent profondes perpendiculaires à la rue. La cuisine dans la travée habitation occupe une place centrale comme lieu de vie spontané et comme espace distributeur vers les autres pièces. La maison d’esprit lorrain offre généralement le mur gouttereau côté rue de sorte que les ouvertures permettent de lire la façade travée par travée.

Son trait distinctif visible pour tout un chacun est le frontage public beaucoup plus large que dans les autres régions historiques de l’Europe occidentale. De fait, le terrain privé entre la limite de propriété et la façade de la maison est minuscule alors que le domaine public ou plutôt communal occupe l’essentiel de l’espace entre deux riverains en vis-à-vis. Chaque propriétaire riverain obtient néanmoins un droit d’usage ou usuaire[1],[2] pour l’utilisation de la parcelle communale devant sa maison : cet usuaire prend localement le nom d’usoir pour désigner à la fois l’espace concerné et la liberté d’en jouir à des fins personnelles. Un autre trait distinctif de l’habitat lorrain historique fut longtemps l’emploi de la tuile canal[3] pour la couverture des versants asymétriques et peu inclinés des toits[4]; cela fait de la Lorraine un îlot de la tuile canal au nord de la France puisqu’elle est généralement plutôt répandue dans les régions méditerranéennes[3], en Aquitaine atlantique et plus généralement dans tout le sud ouest de l'Europe atlantique. Ceci étant, la tuile mécanique a remplacé à tort ou à raison la tuile canal traditionnelle à partir de la fin du XIXe siècle.

Le schéma lorrain basique résumé ci-dessus par l’alignement, les travées modulables et le mur gouttereau face à la rue ne résiste toutefois pas aux contraintes du relief et de la fertilité des sols, ni ne peut s’affranchir des influences architecturales des aires culturelles et historiques limitrophes. La Lorraine se caractérise en effet par sa vocation de terre de transition[5] entre le monde roman à l’ouest et la sphère germanique à l’est[6],[7]. Pour cerner l’habitat lorrain dans sa pluralité et apprendre à déchiffrer le bâti rural lorrain, et ainsi s’orienter plus facilement à l’intérieur de l’aire architecturale lorraine, il suffira d’observer les variantes souvent flagrantes du modèle de base parmi lesquelles on retiendra surtout l’abandon de la mitoyenneté, le choix du pignon sur rue, la préférence pour un toit plus incliné avec ou sans croupe, l’extension par un appentis sur le frontage public, l’orientation divergente des travées, la préférence pour la tuile écaille de type alsacien[3],[8] ou les bardeaux des zones montagneuses[9],[10] ou bien encore la construction en pan de bois[11].

Outre l'architecture vernaculaire de la Lorraine fortement marquée par sa ruralité et son attachement profond aux traditions locales, quelques particularités souvent d'origine historiques émergent dans l'habitat urbain lorrain bien que, dans les grandes lignes, il faut reconnaître que la maison du citadin s'intègre à une aire architecturale beaucoup plus vaste au nord de la France.

  1. Définition sur le site du CNTRL : A. – « Droit d'usage, usufruit » B. - Régional (Lorraine) « Ce qui est commun à un village, une communauté (cour, jardin, basse-cour…) ».
  2. Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle : usuaire, t. VIII, Genève, Slatkine, 1880-1895 (lire en ligne), p. 123.
  3. a b et c Services Territoriaux d’Architecture et du Patrimoine de Lorraine, « Couvertures et toitures », L’architecture d’habitation, DRAC Lorraine,‎ , p. 81-90.
  4. Association Maisons paysannes du Loiret, « La tuile creuse lorraine », Maisons paysannes du Loiret, MPL, no 39,‎ 2012-2018, p. 53-64 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  5. Bibliothèque de l'école des chartes, Les pays de l'entre-deux au Moyen Age : questions d'histoire des territoires d'Empire entre Meuse, Rhône et Rhin, t. 149, Paris, Editions du C.T.H.S., , 336 p. (lire en ligne), p. 503-504.
  6. Michel Parisse, Allemagne et Empire au Moyen Age, 400-1510, Paris, Hachette, coll. « Carré Histoire », , 287 p. (ISBN 2-01-145175-2 et 978-2011451750). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  7. Guy Cabourdin, Lorraine d'hier, Lorraine d'aujourd'hui, Nancy, Presses universitaires de Nancy, , 231 p. (ISBN 2-86480-298-8).
  8. Association Maisons paysannes du Loiret, « La tuile écaille alsacienne », Maisons paysannes du Loiret, MPL, no 9,‎ 2012-2018, p. 81-90 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  9. « Éco-rénover dans les Vosges du Nord : Le bardage : la peau du bâtiment », sur Parc naturel régional des Vosges du Nord, La Petite-Pierre, SYCOPARC, (consulté le ).
  10. Jean-François Georgel, Mireille-Bénédicte Bouvet et Jean-Yves Henry, « Présentation de l'aire d'étude de l'architecture rurale des Hautes-Vosges », sur Portail du patrimoine culturel. Site de Lorraine, Région Grand-Est, (consulté le ).
  11. Dominique Maréchal (dir.), Faire durer la maison rurale meusienne, Bar-le-Duc, Meuse C.A.U.E., .

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