La mystique ou le mysticisme est ce qui a trait aux mystères, aux choses cachées ou secrètes[1]. Le terme relève principalement du domaine spirituel, et sert à qualifier ou à désigner des expériences intérieures de l'ordre du contact ou de la communication avec une réalité transcendante non discernable par le sens commun.
« Mystique » vient de l'adjectif grec μυστικός / mustikós. C'est un mot de la même famille que le verbe μυέω / muéô qui signifie « initier aux mystères[2] », et que le nom μυστήριον / mustérion, « chose secrète, cérémonie religieuse secrète[3] ». Bien qu'il remonte à l'Antiquité, le terme mystique n'est employé comme substantif (« la mystique ») que depuis le XVIIe siècle[4],[5]. Avant cela, il n'existe que comme adjectif : est mystique ce qui relève de la connaissance du mystère ou d'un mystère.
La notion de mystique a été développée dans le christianisme en rapport avec une conception biblique et plus particulièrement paulinienne du mystère selon lequel ce dernier s'identifie avec la révélation de Dieu en Jésus-Christ. Avec le sens que l'adjectif mystique reçoit de cette conception du mystère, c'est le christianisme dans son ensemble qui peut être considéré comme mystique. Le christianisme apparaît dans un contexte gréco-romain marqué par la présence de nombreux cultes à mystères dont la dimension initiatique trouve des échos dans l'initiation chrétienne par les sacrements (mystérion en grec) et dans la catéchèse « mystagogiques » des premiers temps du christianisme. Par ailleurs, la théologie des Pères de l'Église relève largement des options de la philosophie néoplatonicienne dans laquelle la connaissance de Dieu est apophatique. Le traité De la théologie mystique rédigé en grec au VIe siècle par le pseudo-Denys l'Aréopagite s'inscrit dans cette tradition. À partir du XIIe siècle, il a une influence considérable sur les auteurs latins. Au XVe siècle, des débats sur ce traité donnent lieu à une « théorie de La théologie mystique » notamment de la part de Jean de Gerson. Au XVIIe siècle Jean-Joseph Surin envisage la mystique comme une science, fournissant des considérations qui comptent parmi les premières sur ce qui s'appelle depuis « la mystique ».
La mystique a commencé à être objet de défiance et de rejet dans le christianisme dès qu'elle y a été identifiée comme une forme particulière de l'expérience religieuse[pas clair]. La réflexion sur la mystique s'est poursuivie du XVIIe au XXe siècle en débordant largement son tropisme chrétien. Considérée non plus seulement comme une théologie au sein du christianisme, elle est pensée comme un phénomène universel. Depuis la fin du XIXe siècle, dans l'étude comparée des religions, la mystique se définit à partir de courants identifiés comme tels sur la base de comparaisons avec la mystique dans le monde chrétien : il peut dès lors être question de mystique pour le brahmanisme de l'Inde, la kabbale dans le judaïsme, le taoïsme en Chine, etc. Le soufisme a été considéré d'abord comme le mysticisme de l'islam, faute de traduction occidentale, puis après compréhension de celui ci, le monde occidental a admis que le soufisme différait du mysticisme.
Les tentatives de décrire et éventuellement d'expliquer ce phénomène sont nombreuses dans la première moitié du XXe siècle, où la mystique est objet de différentes théories en anthropologie, en psychologie, en sociologie et en philosophie. Dans la seconde moitié du XXe siècle, de nombreuses œuvres d'auteurs chrétiens du XIIe au XVIe siècle sont traduites, publiées et étudiées : les mystiques rhénans, Saint Jean de la Croix, Sainte Thérèse d'Avila, etc., ce par quoi l'intérêt pour « la mystique » s'est élargi à l'étude de la tradition intellectuelle et religieuse qui l'a précédée.
À partir des années 1920 a commencé à se poser la question de savoir si la mystique pouvait être athée[6]. Jean-Claude Bologne, qui se définit comme athée, affirme avoir eu des expériences mystiques[7]. Pour Michel Hulin, des expériences mystiques peuvent se produire hors de tout cadre religieux défini. Dans La mystique sauvage, il analyse les expériences mystiques non comme un aspect du phénomène religieux mais pour elles-mêmes, sans limiter le sujet en fonction des découpages catégoriels fondés sur l'une ou l'autre conception de la religion, ni à ce qui relève des religions habituellement reconnues ou identifiées comme telles. La mystique relève pour lui d'états modifiés de conscience « à la faveur desquels le sujet éprouve l'impression de s'éveiller à une réalité plus haute, de percer le voile des apparences, de vivre par anticipation quelque chose comme un salut »[8]. Des études ont été faites en neurosciences depuis les années 1950 pour tenter d'expliquer le phénomène de l'expérience mystique[9].